Quand il est question de fils ...
Souvent, quand on parle tissage aux cartes, on parle de métier à tisser, de cartes et d’ourdissage (les fameux S et Z). Et même si ce n’est pas toujours la première chose à laquelle on pense, assez vite, on se retrouve à se poser LA question : mais quels fils pour mon tissage ? On me pose souvent cette question, sur les réseaux sociaux ou par mail, alors voici un petit article rapide pour en discuter !
Fils naturels ou synthétiques ?
Les fibres naturelles
La Laine reste la matière principale pour réaliser vos tissages. Elle se retrouve à peu près de partout et à toutes les époques depuis la domestication des moutons et l’utilisation de leur laine. Des tissages antiques à ceux de la fin du Moyen-Age en passant par les motifs scandinaves, la laine est une valeur sûre ! Attention tout de même à ce qu’elle résiste à la tension que vous allez devoir lui imposer lors du tissage. Se serait dommage d’ourdir un galon pour se rendre compte ensuite que la laine se désagrège lorsque vous la mettez sous tension.
Une autre matière naturelle beaucoup retrouvée en fouille archéologique est la soie. Elle n’est pas produite en Europe mais son commerce est bien présent à travers la fameuse route de la soie. Celle-ci part de Chine et rejoint le Proche-Orient et l’Afrique du Nord dès le début de notre aire. Cela explique la grande variété de galons en soie qui ont été retrouvé dans de nombreuses sépultures à travers l’Europe. Celle-ci est cependant plus couteuse que la laine et parfois plus difficile à trouver. De manière plus technique, la soie est souvent un fil fin et “glissant” qui demande un peu d’expérience pour réussir à faire un tissage uniforme, mais qui est tellement agréable à travailler.
Ensuite, arrive le sujet plus épineux du coton. La culture du coton ne se fait pas en Europe mais il était déjà utilisé depuis l’Antiquité en Inde, en Indonésie et plus loin en Amérique du Sud. On a des traces avérées d’utilisation du coton à partir de la fin du XIIe siècle, mais comme tout produit d’importation il était un bien couteux et nous n’avons malheureusement pas de trace archéologique ou manuscrite de galon en coton. Son utilisation ne se démocratisera en Europe qu’après l’implantation des colonies européennes, notamment en Amérique Latine, et pas avant le milieu du XVIIIe siècle (ce qui est bien tardif pour du tissage aux cartes…). Le coton n’est donc pas la matière historique de prédilection pour vos tissages mais il permet d’avoir un rendu net et précis tout en étant le plus simple à tisser. En effet, le coton n’a pas l’élasticité de la laine ou de la soie et je vous conseille de l’utiliser pour apprendre, pour expérimenter ou simplement si l’historicité n’est pas un critère pour vous.
Dans les fibres végétales, vous pouvez également vous essayer à tisser le lin ou le chanvre qui sont des matières qui peuvent être historiquement compatible avec votre projet. Cependant, ce sont des matière souvent plus difficile à trouver, même s’il devient possible de trouver de jolis fils de lin en cherchant un peu sur le Grand Internet.
ça, c’est de la laine
et ça c’est du coton !
Les matières synthétiques
Une première question que vous pouvez vous poser avant de tisser est de savoir si vous voulez une reproduction historique d’un tissage. Ou en tout cas quelque chose qui serait historiquement compatible, pour de la reconstitution par exemple. Si c’est le cas, vous pouvez déjà faire une croix sur toutes les matières synthétiques : acrylique, polyester, polyamide qui ne sont apparues que dans la première partie du XXe siècle. En règle générale, les “laines” vendues en mercerie ou dans les magasins de tissus sont principalement composées de ces matières synthétiques. Attention donc à bien lire les étiquettes quand vous faites vos emplettes ! Si vous préférez acheter sur Internet, l’outil de filtre par matière va devenir votre meilleur ami, mais jetez quand même un œil à la composition dans la description du produit, on ne sait jamais. Pour ma part, j’ai fait le choix de ne pas tisser de matières synthétiques et de me concentrer uniquement sur les matières naturelles qui permettent une grande variété et une richesse de textures et de couleurs immense !
Si vous voulez utiliser des “laines” synthétiques pour vos tissages, vérifiez toujours qu’elles résistent correctement à la tension que vous allez devoir imposer à votre tissage. Attention également à ne pas mélanger des fils différents sur un même tissage : toutes les matières n’ont pas la même épaisseur ou la même élasticité et cela risque d’être désagréable à tisser et disharmonieux.
Histo ou pas histo ?
Vous l’aurez compris, si vous souhaitez réaliser une reproduction historique d’un tissage aux cartes, vous pouvez oublier les matières synthétiques que l’on trouve facilement dans les merceries ou les magasins de loisirs créatifs. Exit donc les acryliques, polyester et polyamide. Mais pour le reste, ça se complique un peu !
Le scénario le plus simple est lorsque vous voulez faire la reproduction d’un galon bien précis. Avec un peu de courage et de recherches sur Internet vous allez pouvoir retrouver des rapports de fouilles ou de musées qui vous donneront la composition du galon. Vous saurez donc s’il vous faut de la laine, de la soie et pourquoi pas du fil d’or ou d’argent.
Ou alors, vous avez trouvé un motif sympa sur Pinterest er vous le verriez bien cousu sur votre costume. La première étape est de savoir s’il est inspiré d’un galon historique ou non. Si c’est le cas vous pouvez faire la démarche précédente de chercher des informations sur la composition du galon dont il est inspiré, mais ce n’est pas toujours très productif et surtout très chronophage. Vous pouvez aussi vous renseigner sur les matières utilisées dans la zone géographie et à l’époque que vous voulez reconstituer et les appliquer à votre galon.
Et comme rien n’est jamais simple, vous pouvez aussi vous retrouver dans un entre deux. Dans ce cas là, mon conseil est de faire ce qu’il vous plait et d’être au plus juste possible (seulement si cela est votre objectif ! ). Si vous voulez un beau galon sans qu’il soit historiquement correct, faites-le ! En revanche, soyez honnête ensuite en reconnaissant qu’il n’est pas histo-compatible. Si vous préférez une couleur, plutôt que celles d’origine, n’hésitez pas également à l’utiliser : tisser un galon est long et ardu, il vaut mieux faire quelque chose qui nous plait. En parlant couleur, privilégiez les teintures naturelles au teintures chimiques qui auront un meilleur rendu.
Bref, la question d’être historique ou non est bien compliquée et ce n’est pas avec cet article que j’ai la prétention d’y répondre. Que cet endroit devienne un lieu de débat et de partages de vos expériences, toujours dans la bienveillance et le respect de chacun·ne. J’espère en tout cas avoir éclairé quelques questions que vous pourriez vous poser sur le choix des fils de votre prochain tissage !
Cet article vous a plu ?
N’hésitez pas à vous inscrire à la Newsletter pour être au courant de la parution des prochains articles mais aussi pour être tenu informé des dernières nouvelles de l’atelier et recevoir des promotions exclusives !